Langue: Français
Couverture: Papier
Pages: 160
Extrait
Prendre le large, se barrer, ficher le camp, n’est-ce pas ce qu’il faut toujours choisir? Pour échapper au regard méprisant de nos nouveaux camarades au baccalauréat en arts visuels. Pour aller retrouver cette fille qui vient de réapparaître sur Instagram. Pour éviter de revenir au bureau après un congé de maternité et d’être considérée comme la plus junior à nouveau. La seule chose à faire n’est-elle pas alors de partir pour Bucarest, ou pour Amarillo, au Texas, ou pour la destination que nous choisirons au hasard sur l’écran en arrivant à l’aéroport?
Pourquoi faudrait-il dire adieu aussi à cet ami d’enfance qui s’enfonce dans sa solitude forcenée, à cette voisine âgée qui succombe à la canicule et dont on récupère le La-Z-Boy, à ce voisin à la campagne qui semble épier nos moindres gestes, à cette femme dont nous découvrons vingt ans plus tard qu’elle a eu un enfant de nous? Il suffit de couper les liens, de fermer discrètement la porte derrière nous, de reprendre le chemin de la ville, d’éteindre l’écran de notre ordinateur. Comme nous envoyons promener cet homme qui nous propose le polyamour, quitte à changer de prénom comme on change de garde-robe. Comme nous laissons disparaître au coin de la rue, sans crier son nom, cette fille dont l’amour nous aurait obligé à abandonner notre façade, à la laisser nous pénétrer, à nous laisser infuser de toute sa glorieuse substance.
Marie-Sarah Bouchard donne ici un premier recueil de nouvelles qui est la révélation d’une sensibilité aussi vibrante que retenue. Ne jugeant jamais ses personnages, elle nous les montre au moment précis où ils refusent de répondre à ce qu’on attend d’eux, en amour, en amitié ou dans leur vie professionnelle.
Pas besoin de dire adieu est également la révélation d’une voix. Refusant toute flamboyance inutile, Marie-Sarah Bouchard s’est forgé un style aussi élégant qu’économe, d’une lumineuse délicatesse mais faisant mouche à tout coup.